LE LOUP DES STEPPES
Hermann Hesse, 1927
Il me semble à moi que nous autres, les exigeants, ceux qui ont une dimension de trop, ceux qui sont nostalgiques, ne pourrions pas vivre s’il n’y avait pas d’autre air à respirer que l’atmosphère de ce monde, si, en dehors du temps, il n’existait pas l’éternité : car c’est elle le domaine du vrai. C’est à elle qu’appartiennent la musique de Mozart et les vers de tes grands poètes, c’est à elle qu’appartiennent les saints, ceux qui ont fait des miracles, souffert le martyre et donné un grand exemple aux hommes. Et de même appartiennent à l’éternité l’image de toute action vraie, la puissance de tout sentiment réel, même si personne ne s’en doute, ne le voit, ne le fixe et ne le garde pour la postérité. Pour l’éternité, il n’y a pas de survivants, il n’y a que des contemporains.